Exode rural et pauvreté urbaine


Dans les pays en développement, l’exode rural et la croissance démographique incontrôlée des zones urbaines, qui en est le corollaire, sont la conséquence directe des politiques de spécialisation internationale imposées par les anciennes puissances coloniales et les entreprises multinationales qui leur ont succédé. Il s’agit d’un modèle de développement fondé sur la production et l’exportation de quelques produits de base et sur la destruction corrélative de l’économie de subsistance traditionnelle, afin de libérer les sols et la main d’œuvre nécessaires aux productions d’exportation. Les mesures d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales ont eu pour effet d’accélérer ce processus. Cet exode massif de populations déplacées contre leur gré est venu nourrir une croissance urbaine déconnectée, la plupart du temps, de toute dynamique économique dans les agglomérations concernées. Dans ces conditions, l’explosion démographique s’est inéluctablement accompagnée d’un chômage massif, lié à l’absence d’activités susceptibles d’offrir des emplois adaptés au profil de la main d’œuvre disponible. La paupérisation qui en résulte est aggravée par les difficultés techniques et financières que rencontrent les villes pour mettre en place les instruments de planification urbaine et les services collectifs indispensables. Ce processus est à l’œuvre dans bon nombre de grandes métropoles africaines comme Lagos, Kinshasa, Bamako ou Bangui. Ce phénomène a été particulièrement mis en évidence dans le rapport sur la ville inclusive, introductif au 4ème Forum international sur la pauvreté urbaine (FIPU, 2001). Il est évident que la thématique de la pauvreté est centrale dans les analyses de la crise urbaine des pays en développement. Mais ce consensus apparent dissimule de nombreuses ambiguïtés ou contradictions. En effet, il est généralement fait un large usage d’indicateurs monétaires qui ne rendent pas compte de la réalité des effets sociaux de la pauvreté. Dans une économie marchande totalement monétarisée, ce qui est le cas des métropoles occidentales, un revenu individuel de deux dollars par jour correspond à une situation de misère totale. Par contre, les mêmes ressources monétaires permettent de survivre de façon presque décente dans un contexte où persistent des activités économiques de subsistance et où une bonne part du secteur informel échappe aux recensements statistiques. En d’autres termes, l’évaluation des situations de pauvreté implique la prise en compte de facteurs qualitatifs, comme l’état sanitaire ou le niveau d’alphabétisation qui sont retenus par les indicateurs de développement humain. Mais la portée de ces éléments est elle-même difficile à apprécier, car les populations qui sont dans les situations de plus grande exclusion échappent à tout suivi, ce qui est souvent le cas des migrants en situation irrégulière (ressortissants du Bengladesh dans les métropoles indiennes par exemple).


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