Egypte : la manne touristique, une exploitation « minière », précaire et inégalement répartie


Avec le retour à la paix, l’Égypte a relancé depuis les années 80 une activité touristique qui remonte au XIXème siècle. Aux sites de la vallée du Nil sont venues s’ajouter les plages du Sinaï et de la mer Rouge, avec une clientèle aisée locale, qui a déjà « colonisé » les rives de la Méditerranée. Un étalement de l’activité en termes de motivation (culturelle ou balnéaire), de clientèle (plus âgée et occidentale dans la vallée, plus jeune et originaire souvent de l’ex-URSS sur la mer Rouge), de localisation (entre la vallée du Nil et les rivages), de saison (estivale au nord, hivernale au sud). A quoi il faut ajouter le tourisme arabe, plus attiré par des destinations traditionnelles comme les deux métropoles du Caire et d’Alexandrie, qui s’étale toute l’année, et dont les motivations varient de l’estivage familial au tourisme sexuel. Le tourisme offre l’avantage de diffuser ses recettes dans de larges segments de la population, à travers de multiples activités (bâtiment, services, artisanat, etc.) souvent informelles et n’exigeant pas de compétences particulières. Mais l’essentiel des recettes revient à des firmes étrangères (chaînes d’hôtels compagnies de transport…) alliées à des intérêts locaux et n’est pas réinjecté dans l’économie locale. Alors que l’Égypte a ambitionné de faire du tourisme une de ses principales ressources, elle n’a pas développé les infrastructures et les services qui auraient permis de fidéliser et développer sa clientèle. Le tourisme est demeuré une activité dominée par des agences encadrant un tourisme de groupe, cantonnés dans des enclaves protégées. De ce fait, le tourisme, est plus encore que les remises des émigrés, une ressource fragile, qui dépend de la situation sécuritaire dans le pays et dans l’ensemble du Moyen-Orient. Et toute interruption du flux touristique est un drame national, privant du jour au lendemain des millions d’Égyptiens de leur un maigre gagne-pain. De plus, au-delà de son aspect financier et économique, le tourisme est une activité à dimension symbolique, qui évoque des notions de paix et d’échange, tant dans la société d’accueil, mobilisée autour de la fierté de son patrimoine, de sa culture, de son hospitalité, que vis-à-vis du monde extérieur : une image attractive, rassurante, est un atout pour attirer les investissements étrangers. Or cette dimension n’a jamais été promue en Égypte : le patrimoine pharaonique est toujours tenu à distance, comme émanant de l’ère antéislamique, et le tourisme balnéaire est honni par la masse de la population, hostile au dénuement des corps, à la consommation d’alcool et à la légèreté fantasmée des mœurs qu’elle implique.


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